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Esquisse d’un portrait de Gilles Deleuze,
par Siegfried Hüttenbrink



...Quand j'écrivais à Charles Bukowski..., 
par Bertrand Delcour



La Presse Parallèle de l'Après-Mai (1969-1975), 
par Le bon Numéro 












Les 13, 20 et 27 janvier 2008 eurent lieu les premières "Cité-philo" dont la librairie fut largement partie prenante. A l'occasion de la diffusion de l'Abécédaire de Gilles Deleuze, l'écrivain Siegfried Hüttenbrink nous livra quelques souvenirs de son passage à l'Université de Vincennes en 1976. Voici l'intégralité de sa contribution :






Esquisse d’un portrait de Gilles DELEUZE,
(une contribution inédite de Siegfried Hüttenbrink)


  

Pour clore ces séances autour de l’Abécédaire de Gilles DELEUZE, je m’étais promis de faire une présentation succincte du personnage plus que de sa philosophie. Et ce, sous la forme un peu anecdotique d’entre-aperçus ayant trait à son faciès et à sa voie. Je vous livre tel quel, à tout hasard, ne sachant au juste s’ils sont bien éclairants. En tout cas, ils tentent de mettre sur la voie de quelque chose qui, chez DELEUZE, m’a toujours intrigué.

 

Il m’est arrivé de rencontrer Gilles DELEUZE pour la première fois en 1974 avec un livre intitulé « Logique du sens », paru en poche, dans la collection 10/18 de Christian Bourguois. Sa couverture était de couleur violet, avec une photographie de son visage, prise de ¾ et survenant en découpe une singulière courbure de nez qui n’est pas sans faire songer à quelque oiseau migrateur. Tout, dans les traits de ce visage semblait d’ailleurs partir en éclaireur, prendre le large, et en vue de s’expatrier sous d’autres latitudes mentales ; voire même de se déraciner à tout jamais en ensauvageant allègrement sa vie comme sut le faire le philosophe Diogène dans son tonneau, et qui se targuait de pouvoir avaler un poulpe cru et vivant. L’expérience fut d’ailleurs concluante du reste, puisqu’il en est mort.

DELEUZE n’alla certes pas jusqu’à ces extrémités. Reste toutefois qu’en vitaliste invétéré il a toujours cru à la vie et au défi qu’elle lance à tous ceux qu’elle prend en otage. Toute sa pensée est axée sur le natif qui est toujours orphelin et nomade, contrairement au natal qu’il exécrait de ce qu’il nous enracine toujours dans des histoires de lignée et de retransmissions parentales. Le terme sacro-saint de patrimoine devait du reste l’horripiler.

 

Mais c’est à son visage que je souhaiterais revenir ici. Ce visage entre-aperçu en 1974 sur un de ses livres et que j’ai pu par la suite voir de visu discourir tout son saoul. C’était en 1976, à l’université de Vincennes, où j’ai du assister six mois durant à ses cours. Si j’ai bonne souvenance, il entrait toujours fort précautionneusement  dans une salle bondée et enfumée, affublé d’un chapeau et évitant ostensiblement de vous voir, et même de vous parler. C’était plutôt déplaisant, pour ne pas dire malséant. Sa voix d’ailleurs n’arrangeait rien à l’affaire. Sèche, radoteuse, à rechigner, râler et ragoter telle une vieille commère. Bref, au prime abord, tout dans sa personne avait de quoi vous indisposer plus qu’autre chose.

Une fois qu’il s’était assis, il levait la séance. Une séance qu’on aurait pu dire de gymnastique mentale, avec exercices d’assouplissement et massages neuronaux. Il fallait en tout cas s’accrocher ferme si l’on voulait comprendre quelque chose.

Quant à moi, je l’écoutais plutôt fugitivement, sans vraiment prendre des notes. Car seul m’intriguait son faciès et sa voix. Parfois, en pleine course de fond, il pouvait avoir des arrêts soudains, obliquer, ou voire même effectuer des virages à 360°. Il avait parfois aussi l’air de s’amuser plus qu’autre chose en pratiquant des apartés avec lui-même, tel qu’on en use au théâtre. Je ne sais s’il avait vraiment une vocation manquée d’acteur. Toujours est-il qu’il aurait pu exceller en clown beckettien, ou dans le rôle d’une sorte d’indigène ou d’idiot de village qui se mettrait à bégayer de la langue ou encore à penser cul par dessus tête.

A l’époque, il avait du reste toujours avec lui un exemplaire d’un livre de Claude LEVY-STRAUSS et qui s’intitule « La Pensée sauvage ».

Lorsqu’il en avait assez d’avoir à discourir ex-cathedra, il en venait à faire le pitre, à vitupérer ou singer des voix, ou encore à soliloquer avec lui-même. Et cela, immanquablement faisait ressortir des traits quasi-simiesques de son visage.

 

Aujourd’hui, alors que je vous parle et qu’il n’est plus de ce monde, un mot me vient à l’esprit. Rien qu’un mot et qui pourrait définir l’élan de sa pensée. Le mot de « transversal ». Le dictionnaire du Littré nous dit qu’il vient du latin « transversus » qui signifie « passer en travers », bifurquer par des chemins de traverse, et en cheminant selon la diagonale du fou.

Outre de frayer, de traverser et de franchir, ce mot a ceci de singulier qu’il est affublé d’un préfixe qui est la syllabe « trans » qui a donné le transit, avec l’idée de circuler, de migrer, mais aussi de muter, voire même génétiquement comme le fait un trans-sexuel..

Il inaugure en tout cas d’étranges alliances et nous indique au passage que nous sommes sans doute tous, au tréfonds de nous-mêmes, des carrefours à embranchements multiples, avec toutes sortes de connexions qu’on dira fortuites encore que nécessaires pour que quelque chose comme un monde ait lieu et trouve à se faire, à l’insu du reste de ceux qui ont l’affront de s’en prétendre les auteurs.

Car, dans la pensée deleuzienne la sacro-sainte autorité autoriale passe à la trappe. Il n’y a plus que des voix, des états intensifs, des agencements collectifs d’énoncé, ainsi que toutes sortes de croisements hybrides, transversaux.

Quant à revenir à la syllabe « trans », elle n’est pas sans laisser entendre aussi l’idée d’une transe de la pensée qui n’est jamais très loin lorsqu’on se met à lire DELEUZE..

Transe giratoire de quelque derviche tourneur et qui confère à son écriture une allure rhapsodique, zig-zaguante, avec ces sortes de leitmotivs que sont les concepts.

Avec l’âge, son air simiesque se double d’ailleurs d’un côté chaman qui est allé s’accentuant. Tout à la fin de sa vie, sur certaines photos, il à l’air d’un crétacé, avec en place des mains des pattes de primate onglées et crochues. Et dans le fond de son regard quelque chose d’un vieux clown stoïque humant l’air alentour.

 

DELEUZE disait de lui-même avoir voulu être critique et clinique, comme l’énonce le titre d’un de ses livres. Guetter les symptômes. Lire les signes de la pensée à même la peau. Penser devenant ainsi un acte physique, quasi-tactile et éminemment transversal. Il s’apparente même par bien des côtés à une sorte d’école buissonnière, de robinsonnade on ne peut plus dépaysante et qui, tout en faisant franchir des seuils, nous ouvre à d’autres états de conscience, sous d’autres latitudes mentales.

Mais avant tout il est aussi un acte de résistance et par lequel on tente de remettre en jeu ce que la civilisation judéo-chrétienne a toujours refoulé et qui est notre part d’ombre, inculte, ensauvagée. Part réfractaire, et qui ne saurait pactiser avec toutes les valeurs sociétales que sont le civil, la civilité et la civilisation.

Et aujourd’hui, lorsqu’il m’arrive de relire Gilles DELEUZE, c’est cette pensée sauvage, de quasi-indigène qui m’intrigue plus que tout et qui me semble éminemment salubre et salvatrice dans l’ère numérique actuelle. Car elle tente de nous désaccoutumer de nos mauvaises habitudes d’être civilisé et policé, de nous désintoxiquer aussi de deux millénaires d’anthropomorphisme judéo-chrétien et qui a fait de chacun d’entre nous une entité identifiable, lestée de ce poids inamovible qu’est toujours une identité fixe, centrée sur sa conscience qui la mine et la plombe plus qu’autre chose.

Mais comment dès lors se faire perdre connaissance ? Comment sortir de cette impasse identitaire qu’est notre état civil ? En nouant sans doute, comme DELEUZE nous le suggère, d’étranges alliances avec ces autres règnes que sont le minéral, le végétal et l’animal. En mutant et changeant aussi de peau et de visage. Il suffit de regarder les faciès que nous détenons de BECKETT ou de Virginia WOOLF photographiés par Gisèle FREUND, ou celui de DELEUZE sur la fin de sa vie. Ils sont parvenus à mutation, à muter même génétiquement. Leur visage s’étant comme impersonnalisé et déshumanisé.

Et je songe ici à un ami de DELEUZE qui lui fut un compagnon de route tout aussi décisif que Félix GUATTARI, et qui est Michel FOUCAULT.

Il affirme dans un passage de « l’Archéologie du Savoir » que plus d’un écrivent pour n’avoir plus de visage. Il ajoute : ne me demandez pas qui je suis et ne me dites pas de rester le même; c’est une morale d’état civil, car elle régit nos papiers. Qu’elle nous laisse libre quand il s’agit d’écrire. Et j’ajouterais encore, quant à moi, d’écrire et de se faire disparaître. Car qui écrit n’a aucune filiation identitaire. Aucun pédigré. Il se sait d’emblée orphelin et à re-naître dans sa part d’incréé. Sans père ni mère. Avec la bouche creuse d’un analphabète. Je dis ici « bouche » comme quelque chose qui s’ouvre, hors mémoire, et dans le natif qu’est toute fiction. Je vous dis « bouche » et pense aussi à celle qui est dite d’ombre et au fait que nous sommes tous nés troués.

 (texte reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur)









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(texte reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur)

http://bertranddelcourredux.blogspot.com/






La Presse Parallèle de l'Après-Mai (1969-1975)


Actuel  a 40 ans, l’occasion de revenir sur ce que fut le phénomène de la presse parallèle dans la France des années 70.

Après l’explosion de Mai 68, il y a deux voies pour la presse contestataire : l’action politique militante de l’extrême gauche relayée par la presse d’organisation, et la politique dans la vie quotidienne incarnée par la presse parallèle. La différence fondamentale réside dans le fait qu’elle place l’individu et ses aspirations au centre de ses préoccupations. Plutôt qu’une approche globalisante des luttes, la presse parallèle donne la parole à tous ceux qui sont ignorés par la presse officielle, toutes ces « minorités silencieuses » que sont les lycéens, les femmes, les homosexuels, les bidasses, les prisonniers, les usagers des drogues et leurs visions, les fous, les infirmières, les groupes rock, les communautés, etc. C’est une presse libérée, désaliénante, sans tabou, qui proclame le désir de vivre d’une génération en rupture avec le vieux monde incarné par une France gaulliste étouffante, répressive, castratrice et centralisatrice.

Actuel Novapress n°1, oct.1970
Couverture signée Robert Crumb

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Le Torchon Brûle, "menstruel", n°4, 1972

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Le Fléau Social, "Sections Belges et Françaises de l'Internationale Homosexuelle Révolutionnaire", n°2, oct.-nov. 1972

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- Les origines -

C’est aux Etats-Unis que naît la presse parallèle avec le Village Voice en 1955. Les écrivains et poètes de la Beat Generation y expérimentent une nouvelle manière d’écrire radicalement spontanée. Dans les années 60, l’opposition à la guerre du Vietnam, le mouvement étudiant des campus et le Black Power se font l’écho d’une nouvelle gauche qui émerge aussi en France à travers les idées de Jean-Paul Sartre, en dehors des vieux cadres partisans étriqués, tandis qu’en 1958 naît le premier numéro de l’Internationale Situationniste et sa critique de la société « spectaculaire » et marchande.

Dans les domaines de la BD et de l’illustration, notons l’influence déterminante de la nouvelle vague de dessinateurs américains emmenée par le génial Robert Crumb. Ses « comix » soulignent, sur un ton mordant, tous les travers de la société de consommation. Ses dessins, largement reproduits dans les journaux underground du monde entier grâce à l’U.P.S.*, apparaissent aujourd’hui comme de véritables icônes de la contre-culture. Il ne faut pas oublier non plus les remarquables journaux underground que furent le City of San Francisco Oracle et EVO (East Village Other) aux USA ainsi qu’OZ en Angleterre : formes courbes, couleurs vives, effets d’optique, Art nouveau, Pop art, Psychédélisme et collages dadaïstes se mêlent en une joyeuse fête pour les yeux (et la tête) tandis que violence visuelle et provocation verbale sont comme autant de pavés lancés contre les citadelles du vieux monde ! En France, c’est Hara-kiri (créé en 1960 par Cavanna et Choron) qui inaugure la formule de la provocation à outrance.

12ème et dernier numéro du City of San Francisco Oracle en 1968

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Deux pages du n°29 (spécial Female Energy), juillet 1970, du Magazine anglais OZ. Au centre de la page de gauche : un dessin de Robert Crumb. En bas à droite de la page de droite la mention "Helix/U.P.S." signifie que OZ et Helix (journal underground américain de Seattle) ont passé un accord d'échange dans la cadre de l'U.P.S. (Underground Press Syndicate)

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- Actuel et les autres -

Si en France les années 1968-1970 correspondent encore localement à une période de gestation et d’expérimentation, 1970 est l’année d’éclosion d’une presse parallèle d’envergure nationale avec le lancement de quatre titres incontournables : Actuel Novapress (octobre 1970), Tout ! (septembre 1970), Parapluie (novembre 1970) et Le Pop (mars 1970).

Le premier Actuel fondé à la fin de l'année 1968 par Claude Delcloo est un peu l’équivalent du new-yorkais Evergreen : magazine  branché sur les arts contemporains, la musique d’avant garde (free-jazz surtout), le nouveau théâtre, le design, etc. En 1970 il est racheté par Jean Giorgiokarakos et devient Actuel Novapress, le mensuel parallèle le plus lu, le plus vendu en France entre 1970 et 1975. Jean-François Bizot, Michel-Antoine Burnier, Patrick Rambaud, Cécile Maugendre et Jean-Pierre Lentin en constituent la charpente rédactionnelle. Tout au long des cinquante-huit numéros c’est une véritable anthologie des idées neuves qui ont secoué l’Occident depuis les années 60 (le sexe, les communautés, la politique autrement, le féminisme, la pop-music, la BD, la poésie, les voyages, la drogue, l’écologie). Actuel tient un rôle important en tant que journal de liaison : les « underguides » fournissent tous les renseignements sur les bons plans à Paris et en Province tandis que les petites annonces gratuites instaurent une véritable complicité entre les lecteurs et le journal : c’est là que se retrouvent ceux qui veulent mettre leurs rêves et leurs idées en pratique : fonder une communauté, créer un groupe de rock, ou simplement rechercher de nouveaux amis partageant les mêmes aspirations.

Actuel n°6, mai 1969 (1ère formule créée par Claude Delcloo)

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Actuel Novapress n°5, février 1971

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Une page de petites annonces dans Actuel Novapress n°19, avril 1972
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Tout !
, « quinzomadaire », naît le premier septembre 1970 à l’initiative du groupe V.L.R. (Vive la Révolution) et propose un métissage réjouissant entre maoïsme, anarchisme à la française, communautarisme à l’américaine et libération sexuelle. Tout remet en cause les fondements même de la société, qu’elle soit capitaliste ou socialiste, et proclame la politique au cœur de la vie. La rupture se manifeste aussi par l’emploi des couleurs, de la mise en page éclatée, des dessins (Crumb très souvent) aux antipodes de l’austérité habituelle des journaux militants.

Tout ! n°12, 23 avril 1971

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Parapluie
, fondé en novembre 1970 par Henri-Jean Enu, représente le versant le plus littéraire de la presse parallèle., publiant les textes des écrivains de l’underground français (Claude Pélieu, Nicole Bley, Jean-Louis Brau) c’est le journal de toutes les expériences, avec beaucoup de réflexions sur l’usage des drogues. Nettement influencé par la contre-culture new yorkaise, le Parapluie aime cultiver un certain style « décadent » en se plaçant sous les bons auspices de la muse Viva, « superstar » underground d’Andy Warhol. Miné par des problèmes de trésorerie, le Parapluie se referme en 1973 après treize numéros mais avec la promesse de revenir…

Parapluie n°4, 1971

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Le Pop
tient une place à part entière, bien plus qu’un simple fanzine musical il développe progressivement tous les thèmes de la contre-culture (en particulier dans ses fameux numéros bis) proposant une approche globale des modes d’existence parallèle. Le Pop lancera deux excellents journaux au cours de l’année 1971 : Free iX (prononcez « freaks) saisi presque aussitôt après sa parution, et Zinc mensuel de BD « très beau pas cher ». Le Pop se singularise par le mode de vie communautaire de ses rédacteurs : c’est une véritable tribu, qui devient nomade à la fin de l’année 1971. Ses membres se séparent et propagent l’esprit du journal à travers la province contribuant ainsi à la naissance de nombreuses feuilles sauvages à travers toute la France. Avec seulement une dizaine de numéros (et quelques bis) Le Pop est une superbe réussite.

Le Pop n°11, mai 1971
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Tract annonçant le passage de la "Caravane du Pop", 1971
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Free iX n°1, février 1971, éd. Le Pop,
couverture signée Virgil Finlay


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- La naissance d’une presse parallèle d’expression locale –

A partir de 1972 la presse parallèle se provincialise. Un peu partout elle tente d’ériger une véritable contre-information, tant culturelle que politique, face à la presse régionale sous tutelle des potentats locaux. Ce sont souvent des journaux sans grands moyens financiers ni techniques mais bourrés d’imagination ! Faire l’inventaire de toutes ces publications seraient fastidieux : citons le Klapperstei 68, le plus gros tirage de la presse parallèle régionale (dix mille exemplaires chaque mois entre 1972 et 1974 !). Il connaît un véritable succès populaire en Alsace en épinglant sévèrement les baronnies politiques haut-rhinoises. Citons aussi Beuark à Troyes, Chti Qui Bulle à Tourcoing, Vroutsch (crée à Strasbourg en mai 1971 par des étudiants en architecture), Les Equevilles à Lyon, La Cote d’Alerte à Dijon, Hors Néant à Orléans, le Journal des Transparents à Tours, le Citron Hallucinogène à Draguignan, le génial Star Screwer à Montignac, Les Pieds Nickelés Superstars à Bordeaux, l’Acidulé à Périgueux, Guili Guili au Havre, le Quetton à Cherbourg (depuis 1967 !), Crève Salope (« orgasme des lycéens révoltés ») et le Contre-Journal (destiné à être placardé) à Toulouse, etc. Ces journaux sont aussi souvent le reflet d’un certain régionalisme révolutionnaire avec trois zones sensibles : l’Occitanie, la Bretagne et l’Alsace, en lutte contre le centralisme parisien

Quetton, "6ème année, tome 262", dec. 1973-
jan. 1974, à Cherbourg

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Crève Salope !, "Orgasme des Lycéens Révoltés", n°2, mars 1971, à Toulouse

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Le Journal des Transparents n°4, 1969, à Tours

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The Star Screwer n°4-5-6, 1973, à Montignac, en couverture : un collage de Claude Pélieu

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Vroutsch n°1, 1971, à Strasbourg

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Klapperstei 68 n°22, 1er Mai 1974, à Mulhouse

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Expression des marginalités tant géographiques que sociales, la presse parallèle c’est près de trois-cents titres qui apparaissent spontanément (et disparaissent parfois aussi vite) entre 1970 et 1975, vendus souvent en dehors du réseau N.M.P.P. ( Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne, à 49 % aux mains du trust Hachette) ils resteront les meilleurs témoignages sur les aspirations de ces années où tout était possible : en supprimant les cloisons entre  politique et vie quotidienne, entre idéologie et vécu, la presse parallèle nous livre plus de questions qu’elle n’apporte de réponse et c’est là sa grande force.


* 

L’U.P.S. (Underground Press Syndicate) c’est le syndicat de la presse parallèle crée en 1966 à New-York par John Wilcox. Lorsqu’un journal devient membre de l’U.P.S. cela signifie qu’il peut échanger gratuitement des articles, photos et dessins avec une autre publication membre du syndicat, n’importe où dans le monde. L’absence de copyright permet ainsi à ces petits journaux de pouvoir démarrer sans craindre les problèmes juridiques lés aux droits d’auteur. L’U.P.S. est une forme de conscience communautaire : les rédacteurs écrivent pour l’ensemble du mouvement.



- Bibliographie–

 

- Jean-François Bizot, Underground, l'Histoire, Ed. Actuel/Denoël, 2001

- Jean-Pierre Bouyxou, Pierre Delanoy, L'Aventure Hippie, Editions du Lézard, 1995

- Chroniques de l'Art Vivant n°38, avril 1973, Arts parallèles, presses parallèles, littératures parallèles, univers parallèles...

- Marjorie Alessandrini, Crumb, éd. Albin Michel, coll. " Graffiti", 1974

- Jean-Pierre Barou, De la liberté de la presse à la presse de la liberté, éd. La Taupe, 1970

- Actuel Novapress n°8, mai 1971, Branchez-vous sur la nouvelle presse.

- André Bercoff, L'Autre France, l'Underpresse, éd. Stock, 1975

- Jean-François Bizot, Free Press, La Contre-Culture vue par la Presse Underground, Editions du Panama, 2006

- Collectif, Actuel par Actuel, chronique d'un journal et de ses lecteurs 1970-1975, éd. Dire / Stock 2, 1977

- Collectif, Parapluie, une résistance culturelle 1968-1978, Ed. Alternatives et Parallèles, 1978

- Alternatives n°2, 4ème trimestre 1977, Il n'y a pas d'abonnés aux journaux que vous avez demandé... La presse d'expression locale, Ed. Librairie Alternatives et Parallèles

- J. P. Sallent, Klapperstei 68 presse libre, Jérôme Bo Bentzinger éditeur, 1995



 

 
 

 

 
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